VIES MAJUSCULES
Vous, les « résidents », vous qui avez été mes compagnons de route, le long de ma carrière.
Se réapproprier un lieu. A soi. Y parvenir ou pas; quand ça fait des années que le vie ne tient plus que dans un sac.
S’habituer au regard de l’autre. Ou pas. A l’intérieur, à l’extérieur… Souvent tout ici se ressemble un peu.
On cherche des choses dans des vies en vrac. On essaye de mettre les trucs dans des boites, dans des sacs. Et au final, ça déconne toujours un peu. Alors il faut chercher…
Melle A a eu douze vies, vu trente six pays et lu des milliers d’ouvrages. Avant elle déterrait des sarcophages, époussetait des os et exhumait des poteries anciennes.
Maintenant que sa carcasse a atterri ici, elle voudrait écrire un bouquin. Mais tous les mots et les histoires dans sa tête s’emmêlent. Alors pour passer le temps et essayer de mettre de l’ordre dans tout ça, elle passe boire le café.
« Et le regard de l’autre sur tout ça? Hein dit? »
(imitant une voie aiguë et stridente)
– « T’as mangé au moins? »
– « Tu devrais pas boire autant »
– « Tu sais le tabac c’est pas bon pour la santé »
– « T’as vu tes enfants? »
– « Et tu vas payer ça comment? »
– « T’as pensé à l’ordonnance pour tes médicaments »
– « T’as encore raté le RDV, j’ai plus de temps pour toi »
– « Et vous allez vous faire un repas entre vous pour noël? «
» Pourquoi j’ai l’impression que les autres ne me considèrent pas humaine? C’est pour ça que je veux bien t’inviter, toi, à boire le café… »
Le panier fleuri.
C’était le nom de l’hôtel près de la gare dans lequel on a construit la maison relais. Un vieil immeuble plein de charme et d’escaliers.
Alors quand on sort de la rue, difficile de refuser un toit. On ne nous le permet presque pas faute de quoi on pourrait passer pour des ingrats.
Quitte à devoir demander de l’aide aux voisins et devoir laisser son chariot dehors pour pouvoir simplement rentrer chez soi.